Cette photo, je l'ai faite dans la réserve naturelle des Grangettes, au bord du lac Léman, le 15 juillet 2023. Le soleil descendait alors dans le ciel. En fait, non, cette affirmation n'est pas du tout correcte puisque le soleil était bien tranquille et sans doute guère préoccupé des affaires terrestres. c'était plutôt la terre qui tournait. Affirmer que le soleil descendait est aussi fallacieux que croire que c'était le ciel qui montait. Cela n'a aucun sens et je trouve d'ailleurs que ce début de billet de blog est bien trop tordu pour être mon premier poste. Et pourtant...
Cette photo, je l'aime beaucoup parce qu'elle me rappelle un moment délicieux que je partageai avec un affable punk qui est mon ami depuis des lustres (au moins trois lustres, pour être précis). Le moment était très accueillant, le lieu paisible et la revoyure festive. Puis alors que le soleil descendait la terre tournait et que ses rayons s'inclinaient sur la surface de l'eau l'eau s'inclinait devant l'astre solaire1, une créature plumée vint se poser devant nous pour faire sa toilette. Nous l'admirâmes et, saisissant mon appareil photo, je capturai alors cet instant unique qui ne dura pas moins de 1/900 seconde et qui ne se reproduira plus jamais dans l'univers, ce qui est carrément flippant.
Celles et ceux qui me connaissent savent ma prédilection pour l'invention de biographies loufoques d'animaux que je croise. Dans ce cas, j'aurais pu imaginer que ce canard s'appelait Agathon, qu'il était de la génération boomer et qu'à l'instar de ses congénères contemporains, il aimait se croire seul au monde. Il était venu pour lire et comme il ne savait pas lire, il se grattait les puces en calculant toute sorte de choses: le nombre de vague, la longueur qu'on obtiendrait en alignant toutes ses plumes les unes derrières les autres, ou encore la conjecture de Birch et Swinnerton-Dyer2. Il était heureux, là, posé dans l'eau, flottant à la surface d'un monde lui-même posé, sans savoir que bientôt, il vivrait une mésaventure dont il ne gardera aucun souvenir vu qu'il n'y survivrait guère.
Cette mésaventure impliquerait toutes sortes d'idées farfelues sorties de ma cervelle surexcitée qui turbinerait pour lui faire vivre une aventure mortelle de grande classe: un coup de foudre (au sens propre), un don de lecture des feuilles de coca, un burnout lié causé par un harcèlement constant des animaux du coin qui devinrent addicts de ses prédictions, une année sabbatique pour s'en remettre, et la décision de rejoindre une secte chelou sur les côtes normandes, où il crèverait à cause d'une bête indigestion au sel. Le tout serait forcément parsemé de coups de foudre (au pluriel et au sens romantique), de rave parties entre cannes et canards et de grandes marées d'équinoxe.
Non mais là, ce soir, je suis fatigué alors je vais juste dire que cette photo me rappelle un joli souvenir. Je pense que ça ira.
- Non mais dit comme ça, c'est vraiment bizarre. C'est vrai que le lac penche, forcément, vu que l'eau coule, mais en l'occurrence, il penche dans l'autre sens. Mais bon, passons. ↩︎
- J'ai dû consulter Wikipédia pour savoir de quoi il en ressortait, et je ne suis pas sorti de l'auberge - ni de Wikipédia d'ailleurs : "En mathématiques, la conjecture de Birch et Swinnerton-Dyer prédit que pour toute courbe elliptique sur le corps des rationnels, l'ordre d'annulation au centre de la bande critique de la fonction L associée est égal au rang de la courbe. Elle prédit même la valeur du premier terme non nul dans le développement limité au centre de la bande critique de cette fonction L." ↩︎